Amok concentre en elle-même tous les thèmes de prédilection de Zweig : un jeune homme, appelé par un destin tragique, qui perd toute chance de jouer les bonnes cartes pour se sauver ; une femme adultère, coupable d'être mal aimée ; un dénouement qui ne parvient pas à les amender. Pour Zweig, l'amok est un type d'homme ou de femme, possédé par une force dangereuse et démoniaque qui lui fait perdre la raison et le pousse à agir selon d'autres lois, souterraines et obscures. Amok est également celle de ses nouvelles qui dépeint le mieux l'atmosphère de lourd secret, difficile à porter à la lumière. Le héros se libère de son secret dans l'obscurité de la nuit, sur un pont de navire, mais la folie de son récit fait voyager à travers les forêts fiévreuses des tropiques, ou dans la capitale de la Malaisie coloniale. On retrouve les ambiances envoûtantes et fantasmagoriques de Poe, Maupassant, Théophile Gauthier ou R.L. Stevenson. Le spectateur doute de la santé mentale du personnage. L'histoire chemine sur un fil ténu, fragile, périlleux, dans une permanente ambigüité entre réalité et irréalité, sens et non-sens, raison et folie. Où est la limite entre imagination et description objective du réel ? Entre le rêve et les faits...? Qui ne s'est jamais demandé "Est-ce que je rêve ?"
– Alexis Moncorgé